Une fille de passage

Roman de Cécile Balavoine

Editions Mercure de France

New York, fin des années 90. Etudiante française dans la ville américaine, Cécile Balavoine suit le cours d’un professeur qu’elle croyait mort, Serge Doubrovsky, grand prêtre de l’autofiction. Elle étudie ses livres, attire son attention et s’installe chez lui avec deux autres étudiants alors que lui est à Paris. Ils s’écrivent, se découvrent, nait une relation étonnante entre le déjà vieil homme et la jeune femme. Elle éprouve une infinie tendresse pour lui.

Avant de commencer Une fille de passage je ne connaissais rien de Cécile Balavoine, pas même son premier livre, « Maestro », et rien de lui non plus, pourtant écrivain célèbre. Je découvre donc la différence d’âge, j’imagine l’aura du maître sur ses étudiants et étudiantes, le fait qu’il peut possiblement en profiter pour les attirer à lui… C’est choquant forcément, ça n’est pas comme si l’époque n’était pas à la mise en lumière, et en prison, de tous ces prédateurs sexuels puissants, subtils ou non, et jusqu’alors jamais inquiétés. Cécile ne peut pas ne pas le savoir, elle est une femme, elle a été séduite.

Et puis non, ça n’est pas le dégoût qui finalement prédomine dans ma lecture, bien au contraire, je suis séduite par cette amitié amoureuse qui les lie, par cette attirance intellectuelle aussi, qui les nourrit tous les deux, les fait avancer. Son désir à elle s’arrête à sa bouche à lui, pourquoi pas.

Roman troublant, Une fille de passage est l’histoire réelle de deux êtres qui vont s’aimer malgré les obstacles évidents entre eux. Lui est compliqué et déjà âgé, elle, beaucoup plus jeune. Il sera un pilier chez qui elle reviendra sans cesse, il écrira sur elle sans dire l’essentiel, elle écrit maintenant sur lui. Je ne sais quelle est la part de vérité dans ce roman, ce que l’écriture habile, musicale, sans heurts, dissimule ou au contraire magnifie, mais j’ai compris chaque ligne écrite.

Il n’y a clairement pas qu’une seule sorte d’amour possible dans la vie, il est difficile de trouver un nom pour celui décrit dans ce livre. Il peut être choquant, l’aurait-il été moins si lui avait été une femme, comment se serait alors appelée cette attirance physique et intellectuelle de l’une pour l’autre, aurait-elle été moins associée à la prédation, celle que certains hommes exercent sur les femmes plus jeunes ? Le fait qu’il la séduise est déroutant, questionnant, tant il peut paraître détestable, pourtant il semble aussi être un homme blessé, aux multiples histoires d’amour malheureuses, tragiques même, et qui finalement trouve une certaine paix avec, encore, une autre femme, pas Cécile, intelligente. Elle va veiller sur lui jusqu’au bout. Il saura être pudique et sensible. Alors peut-être que dans certains cas nous nous trompons et que l’amour est possible, malgré tout, dans notre société finalement assez rigide et cloisonnante.

Une fille de passage est aussi un roman sur l’acte d’écrire et sur ce qu’il donne à voir sur celui ou celle qui est derrière la plume. Lui, l’initiateur de l’autofiction, restera pudique et flou finalement quand il parle de Cécile, elle, au contraire, ne semble pas vouloir cacher au lecteur quoique ce soit de sa relation avec Serge Doubrovsky. Peut-être est-ce thérapeutique ? Lui, en écrivant, donne une leçon sur le genre qu’il a crée, Cécile Balavoine veut elle, montrer, garder aussi, l’image d’un homme et non d’un monstre, et s’engage à mon sens beaucoup plus que lui quand elle décide d’écrire leur histoire. Elle est habile, elle manipule les mots et le passé. Grâce au genre romanesque elle peut exprimer certaines choses qui auraient certainement été particulièrement insupportables si elles avaient été dites dans une autobiographie. Malgré les multiples questionnements que soulève son roman, je reste irrémédiablement séduite par son écriture, par la finesse de cette relation improbable, imaginaire ou non, par les phrases, qui sont autant de vérités si difficiles pourtant à écrire. La boucle semble bouclée et je me demande de quoi sera fait le prochain livre de Cécile Balavoine, ce qu’il sera sans son regard à lui, ce qu’il dira de plus ou de moins sur la vie dans ce qu’elle a de plus secret et de plus nourrissant. Cependant une chose est sûre, j’ai hâte !!!

4 commentaires sur « Une fille de passage »

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