Photo @Jakub Arbet
Texte écrit dans le cadre de l’atelier d’écriture du blog Bricabook : http://www.bricabook.fr/category/atelier-decriture/
Atelier 413
Il était là, juste là, sous ses yeux. Elle ne pouvait réussir à décrocher son regard de la scène que ses déambulations dans la ville lui avaient permis de découvrir, par hasard. Aussi soudainement que sa vie avait basculé il y a déjà quelques années, elle venait de remettre les pieds dans la passion qui l’avait consumée alors. Sa musique était divine. Comment avait-elle pu ne serait-ce que respirer sans lui ?
Elle se souvient encore de sa première rencontre avec ses notes, c’était dans ce vieux théâtre défraîchi où sa meilleure amie l’avait entraînée un soir de grisaille particulièrement tenace. Il ne lui reste guère de cette soirée qu’un vieux ticket d’entrée dont elle se sert comme marque page pour ses livres préférés et le souvenir de la grâce qui l’avait enveloppée alors qu’il jouait. Ce jour-là elle avait découvert la musique, et plus encore. Elle avait été dévorée ensuite par les interminables journées de cours qu’elle suivait finalement dans le seul autre but qu’une seconde rencontre, qu’elle imaginait encore plus belle que la première, forcément.
La déception avait été à la mesure des espérances qui avaient grandi alors qu’elle devenait elle-même une virtuose. Ils s’étaient croisés à nouveau à un concours prestigieux de musique contemporaine. Il faut dire les choses telles qu’elles sont, il avait vieilli. Elle aussi, mais peu finalement en comparaison. Il lui avait semblé usé plutôt et elle ne put s’empêcher de penser qu’il avait besoin de quelqu’un comme elle pour continuer son chemin. Mais la rencontre ne s’était pas produite, en plein milieu de la compétition elle avait dû rentrer pour s’occuper de sa famille. Puis le temps et les épreuves s’étaient accumulés et bientôt il ne restait de sa passion que des cours donnés à des adolescents que la musique intéressait peu.
Et c’était justement en revenant de son établissement d’exercice par des chemins détournés qu’elle venait de tomber nez-à-nez avec lui. Incroyable. Le temps lui parut se suspendre, chaque seconde retenue dans son souffle. Il lui semblait que c’était son corps que le musicien caressait de ses mains habiles tant ses gestes paraissaient doux, presque tendres avec l’instrument. Elle s’imaginait à sa place et elle put ressentir avec quelle merveilleuse dextérité il prenait soin de l’effleurer seulement pour ne tirer de l’instrument que le meilleur. C’était lui, et cette fois-ci elle ne pouvait laisser s’échapper sa chance. Rapidement elle alla vider son compte au distributeur le plus proche, l’individu ne semblait pas rouler sur l’or, la somme devrait suffire, en proposant trop elle avait peur d’éveiller ses soupçons. Et enfin elle s’approcha. Les négociations ne durèrent pas longtemps tant l’homme parut surpris de sa proposition.
Plus tard dans la soirée, une fois rentrée chez elle, elle ne croyait toujours pas à son bonheur. Il était là, tout près d’elle, rangé dans son étui. Le Duport. Son Duport maintenant.
J’ai vraiment adoré ton texte, romantique et si bien écrit. Je me suis laissée surprendre par la chute, bravo vraiment !
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La chute est parfaite, inattendue et drôle 😊
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